- NOYAU CELLULAIRE
- NOYAU CELLULAIREObservé çà et là par les premiers microscopistes au cours du XVIIe siècle, le noyau fut pour la première fois interprété comme un constituant essentiel et permanent de la cellule par Robert Brown, à la suite de ses observations sur des épidermes d’Orchidées, en 1831. Cette découverte vint à point pour étayer la «théorie cellulaire» esquissée quelques années plus tôt par Dutrochet (1824), et reprise en 1838 par Schleiden. Dès cette époque, le noyau fut considéré comme l’organite majeur de la cellule, le centre des commandes de la vie cellulaire. Après l’ouvrage où Virchow (1858) affirme que toute cellule dérive d’une cellule préexistante («omnis cellula e cellula »), la continuité génétique du noyau fut établie par la découverte de la caryocinèse chez les animaux (Schleicher, 1878; Flemming, 1878) et dans les cellules végétales où Strasburger (1879) complète l’axiome de Virchow par celui de la continuité nucléaire «omnis nucleus e nucleo ».Les processus remarquables que constituent la caryocinèse et la méiose (cf. MÉIOSE, MITOSE), bientôt confrontés à la redécouverte des lois élémentaires de l’hérédité mendélienne (1900) [cf. GÉNÉTIQUE] déterminèrent un nombre considérable de recherches qui inspirèrent l’idée d’une suprématie du noyau dans la vie cellulaire, et plus précisément dans le cycle biocinétique [cf. DIVISION CELLULAIRE] qui commande le développement et la perpétuation des organismes.Cet article ne traitera que du noyau dit quiescent , ou interphasique , c’est-à-dire considéré en dehors des périodes de sa division. Qu’il soit quiescent, c’est-à-dire qu’il ait définitivement cessé de se diviser, ou bien qu’il se trouve entre deux phases de division, le noyau manifeste une activité biochimique de grande importance pour la physiologie de la cellule: synthèses d’acides désoxyribonucléiques, porteurs de l’information génétique, d’acides ribonucléiques, qui transportent cette information, pour qu’elle puisse se concrétiser par les synthèses protéiques du cytoplasme.Mais cette simple allusion fait déjà soupçonner que le noyau et le cytoplasme forment un tout, seul fonctionnel: la cellule dans son ensemble. L’activité génétique du noyau est en effet sous le contrôle du cytoplasme, contrôle qui joue un rôle fondamental dans la différenciation cellulaire , en intervenant dans la distribution des gènes actifs et des gènes inactifs du noyau [cf. DIFFÉRENCIATION CELLULAIRE - Cytodifférenciation végétale].1. Morphologie et structureLa plupart des cellules, animales ou végétales, renferment un seul noyau. Les exceptions concernent soit les organismes où la structure cellulaire est imparfaite (Algues siphonées, Myxomycètes, nombreux thalles de Champignons), soit certaines cellules hautement différenciées telles que les fibres musculaires striées.Le noyau cellulaire typique est un organite propre aux Eucaryotes. Chez les Procaryotes (Bactéries et Cyanophytes ou Algues bleues) l’équivalent physiologique du noyau est de structure différente et ne sera pas abordé ici (cf. CELLULE, et aussi BACTÉRIES, CYANOPHYCÉES).Le plus souvent, tant dans les cellules animales que dans les cellules végétales, le noyau est une vésicule globuleuse ou ellipsoïde, de réfringence légèrement supérieure à celle du cytoplasme qui le contient.Diverses catégories de cellules ont des noyaux de formes caractéristiques. Ainsi, les noyaux des cellules allongées des cordons conducteurs végétaux sont souvent cylindriques; les noyaux polyploïdes ou dégénérescents peuvent être lobés. Le diamètre moyen des vésicules nucléaires oscille entre 7 et 12 猪m, mais il existe des cellules à noyau géant comme celles des glandes salivaires du diptère Chironome (75 猪m) et plus encore les zygotes de Cycadales (500 à 1 000 猪m !). À l’inverse, de nombreux végétaux thallophytes, tels que des Champignons, ont des noyaux très petits (1 à quelques 猪m). Dans tous les cas le noyau est limité par une fine enveloppe, ou membrane nucléaire, que l’on peut mettre en évidence sur le vivant au moyen d’aiguilles ou de crochets de microdissection.Le noyau des cellules vivantes apparaît hétérogène, mais les structures visibles sur le vivant sont faiblement réfringentes. La mort de la cellule accroît soudainement les contrastes, mais en altérant fortement les constituants figurés, par coagulation. Ces constituants sont, d’une part, dans la plupart des espèces, une sorte de réseau très peu réfringent, mais qui se colore vigoureusement par les colorants basiques d’aniline, ce qui a fait nommer chromatine la substance dont il est constitué. D’autre part, un, souvent deux, ou parfois plusieurs corpuscules, typiquement sphériques, se voient dans le noyau vivant où ils sont plus réfringents que le réseau de chromatine: ce sont les nucléoles (fig. 1). L’ensemble est immergé dans une phase transparente et fluide (ce qui se reconnaît en réalisant des micropunctures dans la membrane nucléaire), le nucléoplasme . Nous avons mentionné ci-dessus que ce contenu est endigué dans une «enveloppe» ou «membrane nucléaire».On sait, depuis 1924, que la chromatine renferme la majeure partie des acides désoxyribonucléiques de la cellule. Ces molécules peuvent être sélectivement détectées, en microscopie photonique, par une technique de coloration à la fuchsine-base, due à Feulgen (1924). C’est la technique qui permet le mieux d’étudier la conformation de la chromatine dans le noyau quiescent. On montre ainsi que le réticulum chromatique est pratiquement homogène dans les noyaux de certaines espèces, tandis que, dans d’autres, il porte des amas plus compacts, les chromocentres , portions de chromosomes qui ne se «déspiralisent» pas lors de la télophase [cf. MITOSE]. Ces chromocentres sont essentiellement constitués d’hétérochromatine [cf. CHROMOSOMES]. Certains d’entre eux sont appliqués contre la face interne de l’enveloppe nucléaire; d’autres peuvent être accolés aux nucléoles (fig. 2).En dehors des chromocentres hétérochromatiques, le reste de la chromatine, principalement constitué d’euchromatine [cf. CHROMOSOMES], forme donc un réseau plus ou moins dense. Selon les régions, l’euchromatine apparaît plus ou moins «condensée» ou plus ou moins «diffuse».Les structures chromatiniennes du noyau quiescent sont spécifiques, il existe des espèces où le réticulum chromatique est léger, tandis que les chromocentres sont volumineux, et d’autres où ce réseau devient si ténu qu’il n’est plus visible au microscope à lumière, qui ne montre plus que des chromocentres.L’étude biochimique de nucléoles isolés, confirmant les observations par la technique de Feulgen, et celles en microscopie électronique, a montré que la chromatine pénètre dans les nucléoles.C’est la chromatine qui, lors de la division du noyau, s’organise en chromosomes visiblement individualisés. On sait aujourd’hui que l’individualité des chromosomes est en réalité permanente si bien qu’en interphase l’apparence de «réseau chromatique» résulte des entremêlements des chromosomes déspiralisés lors de la télophase [cf. MITOSE].2. Ultrastructure et constitution biochimiqueLes premières images électroniques de sections ultrafines de noyaux furent décevantes. En particulier, le schéma classique, issu de la génétique, de la succession linéaire des déterminants géniques, le long de molécules filamenteuses d’ADN, n’apparaît nullement dans ces clichés (fig. 3). D’autre part, au contraire des structures cytoplasmiques, les constituants du noyau ne sont pas délimités et séparés les uns des autres par des interfaces membranaires. Il s’ensuit que pour interpréter les sections fines, pour rétablir la troisième dimension sur ces figures, il fut indispensable d’élaborer des techniques et de choisir des matériels qui permettent de porter ces études à l’échelle macromoléculaire.Les premières analyses de la constitution biochimique des noyaux ont été effectuées sur l’un des tissus où le rapport nucléoplasmique est parmi les plus élevés: le thymus. Depuis, les techniques d’isolement des noyaux ont été perfectionnées, et il a été possible, par éclatement de noyaux isolés, d’obtenir des sédiments de centrifugation différentielle constitués de chromatine, de nucléoles ou d’enveloppes nucléaires à l’état pratiquement pur.Ce qui suit tentera de faire le point des résultats concernant les quatre constituants du noyau des Eucaryotes: la chromatine, les nucléoles, le nucléoplasme et l’enveloppe nucléaire.La chromatineL’hydrolyse progressive de la chromatine (par exemple, successivement, par la pepsine chlorhydrique et la trypsine) permet d’en dégager quatre constituants constants essentiels: des acides désoxyribonucléiques, des acides ribonucléiques (cf. acides NUCLÉIQUES), des protéines de faible poids moléculaire et à réaction alcaline, les histones et des protéines à haut poids moléculaire et à réaction non alcaline, dites souvent «protéines supérieures», ou «protéines acides».Nous avons dit que la chromatine forme l’essentiel de la substance des chromosomes. On trouvera dans l’article CHROMOSOMES les précisions relatives à la composition chimique et à l’organisation moléculaire de la chromatine.Rappelons brièvement que la chromatine des Eucaryotes contient universellement cinq histones de poids moléculaire compris entre 11 000 et 21 000. Ces protéines alcalines sont liées de manière covalente aux fonctions acides des acides désoxyribonucléiques. L’ensemble, ou nucléohistones , est organisé de manière rigoureusement définie, habituellement décrite par l’expression de structure «en collier de perles» dont les «perles» sont appelées «nucléosomes» [cf. CHROMOSOMES]. La fibre nucléosomique est plus ou moins contractée dans la chromatine et se trouve généralement torsadée en hélice de 20 à 30 nm de diamètre et de pas égal à 10 nm. Cette hélice est elle-même contournée de manière plus ou moins serrée selon l’état de condensation de la chromatine. Dans le chromosome métaphasique, qui réalise le maximum de condensation, on admet que l’hélice nucléosomique est festonnée en une série linéaire de petites boucles, les microconvules , et que ce feston est lui-même enroulé en une hélice d’ordre supérieur autour d’une colonne axiale constituée par les «protéines acides». Ces systèmes successifs de convolutions expliquent qu’une molécule d’ADN, de 7 cm de longueur, se loge dans un chromosome long de 7 ou 8 猪m, ce qui représente une condensation de l’ordre de 10 000, alors que la structure des nucléosomes n’y contribue que par un facteur de 7.Dans le noyau quiescent, la chromatine est plus ou moins «décondensée» selon les régions (fig. 3). Les lieux où la condensation reste maximale constituent des «mottes» de chromatine et, dans les espèces qui en possèdent, des chromocentres , essentiellement hétérochromatiques. Au contraire, les sites où elle est minimale forment la chromatine diffuse . On admet que seule cette dernière est en activité de transcription. De plus, dans la phase S de l’interphase (cf. La mérotomie et les échanges nucléocytoplasmiques , in chap. 3), la duplication de l’ADN implique probablement des changements dans la condensation et notamment le déroulement des segments associés aux nucléosomes.Outre l’appareil désoxyribonucléique de la chromatine, qui porte l’information génétique [cf. GÉNÉTIQUE], la chromatine renferme des acides ribonucléiques, issus de l’activité transcriptionnelle de l’ADN. Ces ARN peuvent être décelés par des méthodes cytochimiques (technique de Brachet) ou par des sondes désoxyribonucléiques. Ils constituent l’essentiel de la substance qui forme les renflements localisés des chromosomes polyténiques des larves de Diptères, les «puffs» et les «anneaux de Balbiani», produits de l’activité de transcription des sites qui les portent [cf. CHROMOSOMES]. Cette activité peut être également décelée, et observée au microscope électronique, sur les «boucles» des «chromosomes en écouvillon» des ovocytes de Batraciens en prophase méiotique.Ces ARN formés sur les ADN de la chromatine, à tous les stades du cycle cellulaire (cf. La Mérotomie et les échanges nucléocytoplasmiques ), sont les ARN messagers (ARNm) et les ARN de transfert (ARNt), qui seront transmis au cytoplasme.L’organisation structurale des nucléosomes, déterminée par les octamères des quatre histones H2A, H2B, H3 et H4, et la consolidation des liens entre ces octamères et la molécule d’ADN, par l’histone H1, sont décrites dans l’article CHROMOSOMES.Enfin, la chromatine renferme les «protéines acides», ou protéines non-histones dont le nombre et l’importance, encore partiellement méconnue, sont considérables. On a identifié plus d’une centaine de types moléculaires parmi ce «réseau» protéique associé à la fibre nucléosomique. Certaines de ces protéines ont un rôle structural, notamment lors des phénomènes de condensation prophasique et d’échafaudage des chromosomes. D’autres constituent un équipement enzymatique complexe qui assure, chacune en son temps, la régulation de la réplication de l’ADN (polymérases de l’ADN, réplicases) et de la transcription (polymérases de l’ARN). Leur activité varie évidemment au cours du cycle cellulaire.À cet ensemble s’ajoutent des protéines qui interviennent dans la distribution des sites actifs et inactifs du génome, dans les associations ARN-protéines post-transcriptionnelles et dans le transport des ARN dans le nucléoplasme, puis vers le cytoplasme.Les nucléolesLes nucléoles peuvent être considérés aujourd’hui comme des structures différenciées appartenant à certains chromosomes, les chromosomes nucléolaires . Dès 1932, Heitz avait reconnu que les nucléoles se reconstituent, lors de la télophase, au niveau d’une constriction secondaire d’un chromosome. Le plus souvent il existe un seul chromosome nucléolaire par jeu haploïde du génome. Dans les cellules diploïdes, deux nucléoles apparaissent ainsi à la télophase. Dans les noyaux pourvus d’un réticulum chromatique léger, ces nucléoles ont tendance à fusionner au début de l’interphase (noyaux aréticulés à chromocentres). Les nucléoles peuvent être beaucoup plus nombreux dans bien des espèces, sans doute issues de polyploïdies.Les nucléoles présentement évoqués demeurent associés à la constriction secondaire des chromosomes qui les portent et où ils se sont organisés. On doit à miss McClintock le concept d’organisateur nucléolaire , situé à ce niveau de la constriction secondaire des chromosomes nucléolaires.Composition biochimique des nucléolesLes techniques d’homogénéisation et de centrifugation différentielle permettent d’obtenir des sédiments de nucléoles isolés sur lesquels on peut préciser leur constitution chimique. Un premier caractère tout particulier est la concentration de la substance nucléolaire. Par exemple, les nucléoles d’ovocytes d’Étoile de mer renferment 15 p. 100 d’eau et 85 p. 100 de matière sèche (Vincent et Huxley, 1954). La matière sèche est en majorité protéique. Dans les nucléoles de germinations de Pois (Birnstiel et Hyde, 1963), les protéines constituent 84 p. 100 de la matière sèche, l’ARN 11 p. 100 et l’ADN 5 p. 100.La technique de Brachet pour la détection des ARN par la pyronine permet une coloration vigoureuse des nucléoles, bien que leur teneur en ARN soit modeste. L’ADN nucléolaire représente une partie de l’ADN du chromosome correspondant.Les protéines sont nombreuses et diverses, certaines sont des histones associées à l’ADN nucléolaire, d’autres (environ 25 p. 100) présentent également une réaction alcaline mais ne seraient pas des histones. Le nucléole renferme encore des protéines enzymatiques qui assurent la «maturation» des ARN (cf. infra , L’organisation nucléolaire et le métabolisme du nucléole) et enfin des protéines qui détermineront la structure des ribosomes.Ultrastructure nucléolaireLes figures électroniques de sections ultrafines de nucléoles (fig. 3) montrent une hétérogénéité due à la coexistence de trois constituants figurés, au minimum, baignant dans une substance de fond, amorphe ou discrètement fibrillaire, principalement protéique: des tractus de chromatine en relation avec le réticulum chromatique banal, des zones à l’aspect fibrillaire (pars fibrosa de Hay, 1968) enfin des aires nettement granulaires (pars granulosa de Hay). L’étude cytochimique a montré que la pars fibrosa et la pars granulosa sont toutes deux constituées d’ARN associé à des protéines. On sait aujourd’hui que la pars fibrosa est la plus proche de la chromatine intranucléolaire: elle représente les ARN récemment transcrits par l’ADN nucléolaire et très rapidement associés à des protéines. Les fibrilles de cette structure se transforment ultérieurement en formant les granules de la pars granulosa (Marinozzi et Bernhard, 1963), qui sont donc également ribonucléoprotéiques.La répartition du constituant fibrillaire et du constituant granulaire est très variable selon les espèces et les types cellulaires. En outre, tant en microscopie photonique qu’en microscopie électronique, les nucléoles présentent divers aspects: ils peuvent être sensiblement homogènes (nucléoles compacts: fig. 4), annulaires, ou renfermer une apparence de filament contourné, le nucléolonéma (nucléoles réticulés). Dans ce dernier cas (fig. 5), on a reconnu l’existence de «centres fibrillaires», moins osmiophiles que le nucléolonéma, et en majorité protéiques. Leur existence a été étendue aux autres types de nucléoles, animaux et végétaux, mais sous une forme plus ou moins distincte. On a montré que ces centres fibrillaires, bien qu’ils renferment de l’ADN, n’ont pas d’activité de transcription. Cette activité est localisée à la périphérie des centres fibrillaires, lorsqu’ils sont distincts, c’est-à-dire dans les régions fibrillaires du nucléolonéma (Mirre et Stahl, 1978; Stahl, 1982). Parmi les protéines qui forment l’essentiel des centres fibrillaires, il est probable que s’y trouvent l’ARN-polymérase ou des sous-unités de cette enzyme, et plus généralement l’équipement enzymatique nécessaire à la transcription de l’ADN ribosomique (cf. Mirre et Knibiehler, 1982: Risueño et coll., 1982, avec bibliographie).L’organisateur nucléolaire et le métabolisme du nucléoleDes recherches effectuées soit sur des noyaux interphasiques, soit sur des noyaux prégamétiques en prophase hétérotypique [cf. MÉIOSE] ont prouvé que l’ADN nucléolaire contient l’information pour la transcription en ARN préribosomiques, qui subissent, dans le nucléole, une maturation complexe. Cette dernière aboutit à l’édification de deux types de particules ribonucléoprotéiques, les proribosomes, qui seront transférés dans le cytoplasme où ils constitueront les ribosomes qui président aux synthèses protéiques. L’ADN nucléolaire est pour cette raison désigné sous le terme d’ADN ribosomique, ou ADNr. Cet ADNr, qui émerge de la constriction constituant l’organisateur nucléolaire, est constitué d’une série linéaire d’unités de transcription, répétées de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois selon les espèces (plus de 450 chez l’amphibien Xenopus ). Chaque unité de transcription (fig. 6), lorsqu’elle est fonctionnelle, produit un ARN géant (40 à 45 S) comportant: un segment intercalaire transcrit, l’ARN 18 S, un court intercalaire transcrit, un petit ARN 5,8 S, un nouvel intercalaire transcrit et l’ARN 28 S; l’unité de transcription de l’ADNr contient enfin un segment intercalaire non transcrit, plus ou moins long. C’est l’ensemble de ces segments qui constitue le motif génétique répété de l’organisateur.Les travaux de Miller et Beatty (1969) ont prouvé que l’activité transcriptionnelle de l’ADNr est localisée dans la pars fibrosa . Les fibrilles d’ARN, rapidement associées à des protéines au fur et à mesure de leur élongation (fig. 7), se détachent de la molécule d’ADNr après leur achèvement, et se replient en granules qui se rassemblent dans les zones de la pars granulosa . Ce sont d’abord des particules 80 S, renfermant chacune une molécule d’ARN 45 S. Elles subissent une évolution complexe (maturation). Les séquences «utiles», 18 S et 28 S, sont méthylées, ce qui peut-être les protège contre des nucléases qui clivent l’ARN 45 S en libérant les séquences 18 S, 5,8 S et 28 S (schéma, fig. 8). Ce processus va de pair avec une redistribution des protéines, aboutissant à la formation de deux particules (préribosomes); l’une, 60 S, contient l’ARNr 28 S, l’ARN 5,8 S, ainsi qu’un petit ARN 5 S venu des sites non nucléolaires des chromosomes et comporte quarante protéines ribosomiques; l’autre particule, 40 S, renferme l’ARNr 18 S associé à trente protéines.Ces deux types de particules préribosomiques sont destinées à transiter dans le cytoplasme où leur fusion produit les monoribosomes 76 à 80 S.La maturation nucléolaire préribosomique se produit dans la zone granulaire du nucléole. En plus des protéines dites ribosomiques , elle met en œuvre d’autres protéines nucléolaires, notamment enzymatiques. Il semble, à ce jour, que toutes ces protéines soient synthétisées dans le cytoplasme, puis transmises au nucléole.Le nucléoplasmeLa chromatine et les nucléoles baignent dans une phase protéique de faible viscosité, le nucléoplasme. Les expériences de micropuncture, qui provoquent l’écoulement de ce nucléoplasme, en montrent la fluidité. Au contraire de ce qui délimite le hyaloplasme et les organites cytoplasmiques, il n’existe pas de membrane entre les constituants de la vésicule nucléaire. Le nucléoplasme assure une continuité entre les divers constituants moléculaires du noyau. Il est, pour le moins, le support des substances qui transitent entre les chromosomes, les nucléoles et le hyaloplasme, tels que les ARN messagers, les ARN de transfert, les préribosomes et probablement de nombreuses protéines qui, synthétisées dans le cytoplasme, sont transmises au noyau.L’existence, dans le nucléoplasme, d’un réseau protéique en continuité avec la lamina est certaine. Des figures d’un tel réseau ont été obtenues après plusieurs protocoles de traitements de noyaux. Ainsi, par exemple: détergent – Triton X 100 – puis digestion par l’ADNase I et l’ARNase A, enfin extraction par le Tris-HCl-MgS4 (cf. par exemple Kaufmann et coll., 1981). Ces traitements sont toutefois trop agressifs pour que les risques d’artéfacts soient exclus. S’il existe vraiment dans le nucléoplasme in vivo, ce réseau pourrait constituer une sorte de support de l’organisation générale du noyau. On verra plus loin que les protéines de la lamina (les «lamines») présentent une affinité pour l’ADN et peuvent contracter des associations capables de stabiliser l’architecture de ce dernier.Enfin, le nucléoplasme étant un lieu de transports orientés et déterminés de nombreuses macro- et micromolécules, on peut penser que ces fonctions fondamentales nécessitent une organisation précise.La maturation des ARN extra-nucléolaires est un exemple de la complexité des processus métaboliques qui se déroulent dans le nucléoplasme (voir plus loin dans Synthèses d’ARN ce qui concerne les «granules périchromatiniens»).L’enveloppe nucléaireL’ensemble des composants précédents est contenu dans une double membrane, l’enveloppe nucléaire. La duplicité de cette enveloppe avait été reconnue dès 1925 par Scarth, au moyen du micromanipulateur. La microscopie électronique a confirmé et précisé les observations de Scarth, en montrant que l’enveloppe nucléaire est une différenciation locale du réticulum endoplasmique. En section fine, elle se présente sous l’aspect de doubles profils cytomembranaires, parallèles et distants de 10 à quelques dizaines de nanomètres (fig. 4). On voit, çà et là, des continuités entre la membrane externe et des profils cytoplasmiques de réticulum (fig. 9), ce qui entraîne la continuité des espaces compris entre les deux membranes périnucléaires et celles du réticulum endoplasmique (RE). Des techniques immunocytochimiques ont d’ailleurs montré que les deux espaces renferment des protéines identiques (peroxydases notamment).Deux caractères de différenciation distinguent cependant l’enveloppe nucléaire du reste du RE: d’une part, l’existence de pores nucléaires et, d’autre part, un revêtement protéique plus ou moins discret, appliqué contre la membrane interne, la lamina , face au nucléoplasme et à la chromatine.Les pores, formés par confluence des deux membranes, sont circulaires et leur diamètre est voisin de 70 nm. Ils établissent une communication entre le nucléoplasme et le hyaloplasme, mais leur orifice est très inférieur à 70 nm, car ils portent une structure en cylindre creux, où l’on a difficilement reconnu huit sous-unités, décrite sous le terme d’annulus (fig. 10 et 11), constituée d’une substance dense et osmiophile. Les sections fines tangentes à la surface du noyau montrent en outre une structure centrale de même densité, interprétée soit comme un canal axial, soit comme un granule relié à l’annulus. De toute manière, ces structures ménagent une communication entre le nucléoplasme et le hyaloplasme, suffisante pour permettre, théoriquement, le passage de macromolécules.En combinant des actions mécaniques, enzymologiques (ADNase) et chimiques (solutions salines, détergents), on peut isoler les enveloppes nucléaires et même la sous-fraction lamina. L’analyse de ces sédiments montre une composition des membranes voisine de celle du RE. La lamina contient en majorité trois protéines (lamines A, B, C); quant à la substance des pores, elle est ribonucléoprotéique.Dans le noyau quiescent, comme dans le noyau prophasique, la lamina a probablement un rôle dans l’adhérence d’une partie de la chromatine à l’enveloppe nucléaire. Il semble que des régions hétérochromatiques et des sites où la chromatine reste condensée à l’état interphasique soient ainsi fixés contre l’enveloppe, peut-être de manière définie, respectant d’ailleurs les espaces sous-jacents aux pores nucléaires. On a également tendance à considérer que les régions des constrictions centromériques s’accolent à la lamina. Ce fait est bien démontré, en tout cas, pour la région de l’organisateur nucléolaire en prophase méiotique (Stahl, 1982). C’est de cette chromatine dense adhérente à la lamina que se dégagent des boucles d’ADN, formant la chromatine diffuse décondensée et active.3. Fonctions du noyauLa mérotomie et les échanges nucléocytoplasmiquesLes premières expériences révélatrices des fonctions du noyau furent les expériences de mérotomie . Ces expériences ont montré le devenir de fragments de cellules portant ou ne portant pas le noyau. Ultérieurement, les techniques d’isolement de noyaux et l’autohistoradiographie ont permis d’étudier les activités biochimiques nucléaires.L’infusoire cilié du genre Stentor , diverses Amibes, l’algue unicellulaire Acetabularia , entre autres matériels, peuvent être sectionnés en fragments dont certains sont dépourvus de noyau. Dans les deux premiers exemples (Stentor et Amibes) on constate que les fragments nucléés régénèrent une cellule complète et normale. Les fragments anucléés, au contraire, survivent quelques jours en manifestant un reliquat d’activité, notamment respiratoire, mais n’assimilent plus d’aliments, ne croissent plus et donc ne régénèrent pas. En particulier, des fragments anucléés de cellules morphologiquement différenciées, telles que le Stentor, sont incapables de régénérer ce Protozoaire. Les fragments anucléés d’Amibes se ramassent en sphérules et perdent leur pouvoir d’adhérer aux supports et d’émettre des pseudopodes.Ces expériences montrent que le noyau est nécessaire à l’assimilation, à la croissance et à la morphogenèse.L’algue Acetabularia mediterranea se comporte un peu différemment en apparence; les fragments anucléés constitués d’un fragment du pédicelle non seulement survivent jusqu’à deux mois, mais régénèrent des parties manquantes telles que le «chapeau». En pratiquant des greffes interspécifiques entre deux espèces morphologiquement différentes (A. mediterranea et A. crenulata ), Hämmerling a cependant démontré que les substances morphogénétiques proviennent obligatoirement du noyau et diffusent dans le cytoplasme, où elles persistent et déterminent les caractères morphologiques des segments anucléés, pendant quelque temps seulement. On sait aujourd’hui que ces substances «morphogènes» ne sont autres que les ARN synthétisés dans le noyau et transmis, associés à des protéines, au cytoplasme.L’utilisation moderne des techniques de greffe nucléaire, mises au point dès 1939 par Comandon et de Fontbrune, a conduit à préciser la nature des échanges nucléo-cytoplasmiques. On a ainsi démontré, sur des Amibes, que le noyau transmet des ARN au cytoplasme, tandis que ce dernier synthétise et transmet des protéines au noyau (Goldstein et coll.). Les échanges se font donc dans les deux sens et, sur les Acétabulaires, Hämmerling a montré que le cytoplasme contrôle le comportement du noyau tout autant que ce dernier contrôle l’activité du cytoplasme.Activités biochimiques du noyau quiescent ou interphasiqueL’expression «noyau quiescent», qui fait allusion à la mitose, n’implique pas l’inertie de cet organite, bien au contraire, car il produit non seulement de l’ARN messager, mais aussi des protéines. D’autre part, après une mitose, le matériel génétique étant distribué équitablement entre les deux noyaux fils, chacun de ces noyaux doit doubler ce matériel avant la division suivante, donc pendant l’interphase. On a qualifié d’hétérocatalytique le premier type d’activité et autocatalytique le second, mais cette terminologie n’est plus très usitée.Synthèses d’ADN et cycle cellulaireL’incorporation d’un précurseur de l’ADN (thymidine marquée au tritium, 3H, par exemple) est nulle dans les noyaux quiescents, mais importante dans les noyaux interphasiques. Si ces derniers passent ensuite à l’état quiescent, leur radioactivité est persistante, ce qui est en faveur de la stabilité des ADN, et non d’un turn over . La question se pose alors du moment de cette incorporation, c’est-à-dire de la réplication de l’ADN. La réponse a été fournie par la convergence de deux techniques: les incorporations courtes de précurseur radioactif (thymidine-3H ou 14C) ou incorporations «flash» et la mesure des «compléments» d’ADN, par noyau, au moyen de la microspectrophotométrie. Ces recherches ont abouti à localiser la duplication de l’ADN dans une période relativement limitée de l’interphase (de l’ordre de 3 heures dans les points de croissance des végétaux). Cette période, dite phase S (de synthèse), débute après un délai variable où le noyau, issu de la mitose, renferme typiquement un jeu diploïde de chromosomes, soit, en compléments d’ADN, la quantité 2 C (en unités arbitraires). Cette période constitue la phase G 1 ou de présynthèse (G = gap , mot anglais que l’on traduit par «intervalle»), elle est suivie de la phase S, de synthèse, pendant laquelle la quantité d’ADN passe de 2 C à 4 C. À la fin de cette phase, le noyau interphasique, potentiellement tétraploïde, «attend» le déclenchement de la mitose suivante, il est en phase G 2 ou de post-synthèse. Le cycle cellulaire des cellules proliférantes peut donc être schématisé comme suit (fig. 12).Lorsque, après une dernière division, la cellule devient quiescente, on peut se demander à quelle phase du cycle se produit l’arrêt de l’évolution nucléaire. D’importants éléments de réponse ont été fournis par les travaux de A. Nougarède et de son groupe. Schématiquement, lorsque le blocage du cycle est réversible (inhibitions saisonnières ou dominances apicales de points de croissance des végétaux), ce blocage a lieu en phase G 1. Au contraire, lors des arrêts définitifs, qui vont de pair avec la différenciation cellulaire, ou bien les noyaux sont bloqués en G 2 et cette phase s’allonge indéfiniment, ou bien la différenciation cellulaire est accompagnée de duplications répétées de l’ADN, non suivies de mitose: les cellules deviennent «endopolyploïdes». L’un des exemples les plus étudiés est fourni par les chromosomes polyténiques des glandes salivaires de Diptères [cf. CHROMOSOMES], mais, chez les végétaux comme chez les animaux, la différenciation comporte souvent des endopolyploïdies, soit générales à toutes les cellules d’un tissu (tubes de Malpighi des Insectes), soit sous forme de mosaïque dans un même tissu (nombreux parenchymes des végétaux; cf. Nougarède et Rembur, 1980).Synthèses d’ARNEn outre de sa propre réplication, l’ADN nucléaire est transcrit en ARN des diverses catégories, sensiblement tout au long du cycle cellulaire, au contraire de l’ADN dont la biosynthèse est strictement localisée dans le temps (cf. CHROMOSOMES, acides NU- CLÉIQUES).Le paragraphe relatif au métabolisme nucléolaire (cf. Le nucléoplasme , in chap. 2) a fait état des modalités de transcription et de maturation des ARN ribosomiques. On sait que les autres parties des chromosomes synthétisent des ARN messagers (ARNm), porteurs de l’information génétique et des ARN de transfert (ARNt) qui interviennent dans les protéosynthèses en liaison avec les ribosomes. Ces molécules, sitôt synthétisées sur les sites de la transcription, sont associées à des protéines et les particules «RNP» qui en résultent sont transférées dans le nucléoplasme. Elles constituent les ARN nucléaires hétérogènes (hn RNP ).On a pu se convaincre que ces particules se présentent d’abord sous l’aspect de fibrilles qui sont rapidement repliées et converties en «granules périchromatiniens», de 30 à 50 nm de diamètre (Fakan et Puvion, 1980; Puvion et Moyne, 1982). Ces granules (fig. 13) ont été observés dès 1963 par Bernhard et Granboulan, et leur nature nucléoprotéique avait été reconnue par Monneron (1967). L’isolement de granules périchromatiniens (Daskal, 1982) a permis d’en analyser le contenu protéique et nucléique et de les assimiler, quant à ce contenu biochimique, aux particules RNP que l’on peut isoler du noyau par des techniques biochimiques. Les monomères de ces particules renferment au moins deux polypeptides dominants dont l’un, de PM 40 000 daltons, a été appelé «informatine» ainsi qu’un (ou deux?) ARN de faible poids moléculaire qui formeraient des ponts hydrogène avec l’ARN prémessager. Ce dernier contracte, probablement dans l’espace périchromatinien, des attaches entre sa séquence poly A et un polypeptide lourd (75 000 à 80 000 d) qui demeurera seul en place lors du transfert de l’ARNm, dans le cytoplasme, supposé s’effectuer par les pores de l’enveloppe nucléaire, à la suite de processus complexes de «maturation» des ARN prémessagers, qui se déroulent vraisemblablement dans les grains périchromatiniens.Synthèses protéiques intranucléairesOn a vu plus haut que les ARN synthétisés dans le noyau sont normalement exportés dans le cytoplasme où ils permettent les protéosynthèses. Cependant, au moyen de suspensions de noyaux isolés de thymus, des synthèses de protéines ont été obtenues, en aérobiose (Allfrey et Mirsky, 1957). Ces processus supposent une machinerie intranucléaire où interviennent les ARN sous une forme qui paraît mal connue. Ils exigent également un apport d’énergie.De fait, des processus de phosphorylation conduisant à un stockage d’énergie sous forme d’adénosine-triphosphate (ATP, cf. BIOÉNERGÉTIQUE) ont été décelés dans des noyaux isolés entretenus en aérobiose (Osawa et coll., 1957). Les systèmes de phosphorylation intranucléaires sont différents de ceux des mitochondries. Ils peuvent être inhibés, notamment par l’antimycine A, et cette inhibition supprime simultanément les synthèses protéiques.Allfrey et Mirsky (1958) ont démontré, toujours sur les suspensions de noyaux isolés, que l’ADN est nécessaire aux synthèses d’ATP et de protéines nucléaires. La destruction de l’ADN par l’ADNase pancréatique abolit ces activités. Cependant elles peuvent être rétablies par introduction d’un quelconque ADN étranger ou même d’un polyacide à grosses molécules (le sulfonate de polyéthylène, par exemple). L’action de l’ADN n’est donc pas spécifique, il agit comme un cofacteur, comme un polyanion. Inversement, les polycations, tels que les histones, inactivent l’ADN.On peut dire, en conclusion, que l’ADN, porteur de l’information génétique nucléaire, est un constituant stable et permanent du noyau, dont dépend en fin de compte la totalité de ses activités biochimiques, qu’il intervienne par ses propriétés spécifiques ou par ses fonctions acides. Toutes les cellules d’un même organisme contiennent le même lot de gènes. On admet qu’environ 10 p. 100 de ce génome sont fonctionnels dans chaque cellule [cf. CHROMOSOMES], c’est donc dans la différence de répartition des gènes actifs et des gènes inhibés que réside l’essentiel de la différenciation cellulaire. En intervenant, notamment par les protéines qu’il synthétise et transmet au noyau, le cytoplasme oriente vraisemblablement le fonctionnement du noyau et joue un rôle déterminant dans le développement embryonnaire des organismes et dans la différenciation. La disparité que l’on observe dans la répartition des territoires cytoplasmiques lors des premières segmentations des zygotes appuie cette manière de voir [cf. DIFFÉRENCIATION CELLULAIRE - Cytodifférenciation végétale].
Encyclopédie Universelle. 2012.